Alors que l’axe compris entre Alexanderplatz et le Lustgarten était dédié aux maximes architecturales de la RDA qui suivaient un modèle socialiste, le Quartier St. Nicolas symbolise un changement de dogme. Le nom de ce quartier provient de la Nikolai-kirche (Eglise St. Nicolas) (aujourd’hui un musée). Avec le soubassement de son clocher en quartz porphyrique datant de 1230, il s’agit de la plus ancienne église de la ville. La nef, le chœur ainsi que les deux tours (1876/77, reconstruction en 1980-87) furent érigés plus tardivement. La Marienkapelle (Chapelle Ste Marie), avec son pignon à échelons typique du style gothique en brique du Nord de l’Allemagne, a vu le jour à la suite d’un don en 1452.
À l’occasion du 750e anniversaire de la ville en 1987, la RDA s’offrit une sorte de vieille ville factice (Architecte Gunther Stahn) dans ce noyau autrefois central. Les plus anciennes maisons et parties de maisons, qui ailleurs barraient la voie au développement socialiste ou avaient déjà été démolies, furent reconstruites ici (Auberge « Zum Nussbaum » (Au noyer), Palais Ephraim, « Gerichtslaube » (Pavillon du Tribunal)). Un bâtiment original parmi peu d’autres est la Knoblauchhaus (Maison Knoblauch) de 1760 (Rankenfries 1835). Avec ses lignes arrondies, le Palais Ephraim est considéré comme l’un des plus beaux bâtiments d’angle de Berlin. Le bistrot reconstruit « Zum Nussbaum » se trouvait à l’origine sur la Fischerinsel (« île des Pêcheurs »). À cet endroit, les vieux bâtiments restants dans les années 1960 ont été supprimés au profit d’un nouveau quartier. À cet effet, on mit en application la rigueur socialiste. Les ruelles du Quartier St. Nicolas sont remplies de bâtiment qui, en partie, sont cachés dans des cours intérieures, mais présentent aussi fièrement le type de constructions en barres populaire en RDA et composées d’éléments bétonnés préfabriqués caractéristiques. Respirez un peu d’histoire falsifiée. D’agréables bistrots, bars à vin et de petits magasins forgent l’atmosphère de ce quartier et invitent à s’y attarder. On ne peut que recommander l’agréable bar à vin dans la Knoblauchhaus.
Derrière le mur de Berlin : les clichés fantômes pris par les appareils photo cachés de la Stasi
Photographie prise par des agents de la Stasi de transfuges présumés dans un restaurant abandonné dans le quartier de Kreuzberg, Berlin, en 1962. Stasi Records Agency Berlin/Bild
Quand le mur de Berlin a coupé l’Allemagne en deux, en 1961, le ministère de la Sécurité d’État de l’Allemagne de l’Est – plus connu sous le nom de Stasi – a mis en place une surveillance massive des citoyens de la République démocratique allemande.
Le Centre d’observation de la Stasi forma des agents à la photographie, à la filature des suspects et à l’art du déguisement.
Cette surveillance se traduisit par le recueil d’innombrables documents écrits, d’enregistrements audio et vidéo, d’odeurs individuelles… et de quelque deux millions de photographies qui se trouvent aujourd’hui rassemblées dans les archives de la Stasi.
Afin de prendre des photos en toute discrétion, des appareils photo ont été spécialement conçus pour être dissimulés dans des pots de fleurs, des stylos, des vestes et des sacs. Certains d’entre eux étaient d’une taille si réduite que leur objectif pouvait être cousu derrière une boutonnière, tandis que le déclencheur tenait dans une poche.
Trente ans après la chute du mur, les images de cette période de surveillance étatique de masse nous offrent un regard sans précédent à la fois sur les personnes qui ont tenté de fuir à l’ouest et sur les activités de la Stasi.
Les ombres sur les côtés apparaissent à présent comme des effets dus à la pellicule – il s’agit en fait du bord du tissu de la boutonnière. Photos prises vers 1975, bureau des enregistrements de la Stasi
Les clichés pris avec des appareils dissimulés dans des boutonnières ont une étrange ombre sombre autour du bord de l’image qui ressemble aux effets photographiques fantomatiques que produisent parfois les appareils photo en plastique bon marché. Ces images sont souvent floues, l’observateur cherchant avant tout à photographier les suspects sur le vif.
Une série de clichés effectuée en 1975 montre deux personnes échangeant un sac dans la rue.
Ces photos prises en secret capturent l’instant où un couple échange un sac. Photo prise vers 1975, bureau des enregistrements de la Stasi
L’agent de la Stasi a suivi le couple, prenant des photos qui montrent les suspects en train de marcher vers une voiture. Les images jettent un voile suspect sur ces actions qui semblent a priori tout à fait innocentes.
Mais il n’y a pas plus d’informations dans les archives de la Stasi sur ce couple ou sur cet événement. C’est probablement dû au fait que de nombreux enregistrements ont par la suite été endommagés ou détruits par le régime afin de dissimuler la surveillance de masse illégalement mise en œuvre.
Le comportement de ces personnes est peut-être anodin, mais le seul fait de les photographier suffit à les rendre suspectes. Photo prise vers 1975, Bureau des enregistrements de la Stasi
Les chemins de l’évasion
Le mur de Berlin a été construit principalement afin d’endiguer le flux de plus de quatre millions de citoyens qui avaient quitté l’Allemagne de l’Est pour un Occident plus prospère et démocratique. Entre 1961 et 1989, plus de 5 000 personnes se sont échappées d’Allemagne de l’Est.
L’une des fuites les plus fameuses fut celle de Heinz Holzapfel, le 29 juillet 1965. Vivant à Leipzig, il avait d’abord rejoint Berlin-Est avec sa femme et son fils.
La famille s’est cachée dans un bâtiment appartenant à un ministère situé à proximité du mur, avant de monter sur le toit et de signaler sa présence avec une lampe torche à des amis de Berlin-Ouest, qui jetèrent aux Holzapfel une corde en nylon attachée à un marteau. La nuit était froide et venteuse et le passage par-dessus le mur, dans une poulie formée d’une roue de vélo et d’un baudrier, était extrêmement dangereux.
Une photo de presse montre Heinz Holzapfel et son fils en sécurité à Berlin-Ouest, exhibant leur baudrier. On les voit souriants, heureux d’avoir survécu à cette évasion si risquée dont la planification avait duré plus d’un an.
Le harnais que la famille Holzapfel a utilisé pour passer le mur. Photographie d’illustration d’un article consacré à leur fuite. Anonyme : Réfugiés, RDA, fuite de la famille Holzapfel à l’ouest, 1965
Surveiller le mur
Les personnes soupçonnées de vouloir faire défection étaient surveillées par des officiers de la Stasi dont la mission était d’empêcher la fuite des suspects et de procéder à leur arrestation en les prenant sur le fait. Entre juillet et août 1962, des agents ont observé en permanence un restaurant abandonné situé dans le quartier de Kreuzberg, à Berlin. Des informateurs avaient signalé le creusement d’un tunnel passant sous le mur depuis l’intérieur du restaurant.
Les agents ont rédigé des rapports détaillés sur chaque personne entrant et sortant du bâtiment : couleur des cheveux, sexe, taille, vêtements, heure d’arrivée et de départ, venue en voiture ou à pied. En plus de ces très nombreuses notes, ils ont pris des photographies. Certaines ressemblent à des images de film. D’autres sont de piètre qualité, comme si le photographe était pressé de saisir l’instant.
Des personnes suspectées de vouloir faire défection sont photographiées en train de retrouver des amis venus en voiture. Observation d’une possible tentative de fuite à proximité d’un checkpoint à Berlin, 26 août 1962, Bureau des enregistrements de la Stasi, Berlin
Un jour en août, les agents de la Stasi prirent une série de photos, soupçonnant que la tentative d’évasion était imminente. Un certain nombre de personnes – jugés suspects du fait qu’ils se trouvaient à proximité d’un checkpoint – rencontraient des amis dans une voiture (de nombreuses tentatives d’évasion ont été tentées en voiture, soit en percutant les barrières de contrôle, soit en passant en dessous), tandis que d’autres regardent depuis le toit voisin.
Il s’agissait en fait peut-être d’une diversion. Le tunnel et la tentative d’évasion furent abandonnés pour des raisons inconnues, et la Stasi fut incapable de procéder à la moindre arrestation.
Des souvenirs douloureux enfermés dans les archives
Fin 1989, des citoyens prirent d’assaut les bureaux de la Stasi après une série de révolutions qui bouleversèrent l’Europe de l’Est. La chute du mur de Berlin, le 9 novembre, marquerait la fin de l’après-guerre et la division de l’Allemagne.
Les personnes ayant été surveillées ou emprisonnées peuvent désormais accéder à leur dossier de la Stasi. Ces dossiers peuvent contenir des photographies et des preuves que des membres de leur famille, leurs épouses, maris ou amants, avaient été des informateurs des services de sécurité.
Des dossiers semblables à celui-ci, qui documente la fuite de la famille Tomas par un tunnel le 7 mai 1962, sont désormais accessibles au public, y compris aux personnes ayant fait l’objet d’une surveillance de la part de la Stasi. Bureau des enregistrements de la Stasi
« C’est terrible. Les mensonges que les gens racontent et la faiblesse de la nature humaine vous plongent dans le désespoir. »
Nous voyons aujourd’hui dans ces photographies des objets esthétiques et des preuves factuelles de la surveillance de masse mise en œuvre par le régime de surveillance de masse ; mais n’oublions pas qu’elles restent à ce jour porteuses d’une profonde douleur pour les victimes.
Il nous appartient de tirer les leçons de l’expérience de la Stasi et de la surveillance constante de la vie quotidienne.